Bananas

Supernova

Ce spectacle en création n’est pas encore disponible en tournée

à partir de 13 ans

texte : Aïda Asgharzadeh
mise en scène et scénographie : Quentin Defalt

avec Aïda Asgharzadeh, Colette Nucci, distribution en cours…

lumières : Manuel Desfeux
costumes : Marion Rebmann
musique et ambiance sonore : Ludovic Champagne
diffusion : Anne-Charlotte Lesquibe

 

production Teknaï

Argument

Alors qu’elle traverse depuis déjà quelques années le fameux « tunnel des cinquante ans », Irène, ancienne étoile du cinéma français, est contactée par son agent : elle lui annonce la mort de Sam, producteur américain qui a fait d’elle une star à Hollywood, mais également qu’elle a été choisie pour incarner Penta, le rôle-titre du premier long-métrage d’un réalisateur très prometteur. Le film retrace le parcours de cette femme, guérisseuse, considérée comme sorcière aux prémices de l’Inquisition.

Irène dévore le scénario, se passionne pour son personnage, mieux : elle comprend Penta de manière quasi mystique au point de s’identifier peu à peu au destin violent de cette femme en une sorte de superposition avec ses propres débuts à Hollywood. Et les souvenirs avec Sam refont surface… Des souvenirs symptomatiques d’un choc post-traumatique… Sont-ils les siens ? Les a-t-elle inventés ? Est-il trop tard pour en parler ? Quelle est sa part de responsabilité ?

Quand elle voit la jeune comédienne du film confrontée aux mêmes injonctions, Irène doit faire un choix : parler ou se taire, s’éteindre à jamais ou briller. Comme le destin de toute étoile…

Parler ou se taire, s’éteindre ou briller…

Supernova se déroule dans l’industrie du cinéma. On pense évidement à des œuvres telles que Sunset Boulevard, All about Eve ou encore Opening Night, dans lesquelles des actrices vieillissantes se débattent avec leurs démons, avec une réalité qui n’est plus ni flatteuse ni porteuse d espoir, tant dans leur métier ou dans la société être femme reste un combat.

Nous sommes ici dans une fiction racontée et mise en scène comme un témoignage qui pourrait être celui de centaines de femmes aujourd’hui…

Le cinéma, et plus largement la création, est toujours envisagé comme une « fabrique à rêves » : rêves auxquels certaines femmes ont dû renoncer. Rêves qui rendent certaines audacieuses et veulent faire cet étrange métier pour être une autre, sans savoir que ce métier consistera pour beaucoup à accepter d’être soi.

Etre soi lors de périodes sans travail, sans n’être plus désiré, car le désir de ceux qui contrôlent ces rêves se tourne toujours vers la jeunesse.

Etre soi surtout lorsqu’on a refusé de céder… Combien de castings, de répétitions ont mené à un abus, puis à une version de l’histoire tue par honte, remaniée par ceux qui savent mais ne disent rien ?

Mais les souvenirs des actrices s’évanouissent moins vite que ceux des metteurs en scène…

Ce spectacle ne sera pas pour autant un procès à charge : les personnages aiment ce monde, en connaissent les excès et limites, en dessinent les méandres et les travers. Supernova met en lumière le recours au mensonge et au silence, le rapport à la solitude, l’ingratitude et la cruauté des hommes à l’égard de celles qu’ils ont révélées puis abandonnées.

Plus profondément, il souligne la terrible confusion entre vie et illusion, entre réalité et fiction, du fait d’être capable de saisir l’âme humaine, de voler la vie de quelqu’un d’autre et ne pas hésiter à y plonger au risque de s’y noyer, du fait de construire une carrière fragile et créer du déni pour survivre… Irène est entourée des souvenirs de ce qu’elle fut, et la proposition providentielle d’un nouveau tournage accélère un processus de remise en question qu’on devine déjà en cours depuis quelque temps…

La présence d’Irène, entre deux âges, prisonnière dans le temps, comme l’étaient les sorcières promises aux bûcher ou à l’isolement, permet aussi de raconter le temps qui passe sans en avoir l’air et les occasion ratées (ou offertes à nouveau) de se réparer, sinon de se servir de ses propres expériences pour ne plus laisser faire, quitte à en payer le prix fort : être définitivement mise à l’écart.

En voyant la jeune comédienne qui va rencontrer les mêmes humiliations, les mêmes rêves abimés, elle comprend qu’elle n’estplus cette jeune fille. Elle devra alors livrer une bataille contre elle-même pour que s’expurge l’image de celle qu’elle a été, ou changer l’histoire en trouvant le courage de ne pas laisser se reproduire les mêmes humiliations.

Le portrait de cette femme confrontée tant à son passé qu’à son présent, de cette sorcière qui peut mettre à mal les rouages du patriarcat ou sombrer dans un cauchemar, fait de fantômes et de secrets, dessine tout le projet de cette pièce : être un appel à la liberté, un souffle de vie.

Quentin Defalt